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Interview n°2

 

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Dans le rasta triangle des Bermudes Kingston-Paris-Brixton, Pékah alias Pierpoljak maintient le cap sur le bon karma. Faut dire qu’à force de chanter qu’il ne sait pas jouer, il est devenu un captain du reggae français. Avant la Jamaïque, pause dans le Londres de sa jeunesse.

XL : T’es parti à Londres à 15 ans, c’était un exil ?


PK : Non, je n’avais pas spécialement de problème avec le millefa. Mais c’est la musique qui m’a fait venir ici. Tout à commencé vers 12 ans, en 1976 en fait. Je venais de quitter Savigny-sur-Orge dans l’Essonne et j’étais au collège à Colombes. Je kiffais sur les débuts du punk. Petit à petit, j'ai séché les cours pourront aller voir des groupes dans des caves pourries à Rueil-Malmaison. J'ai vite compris que tout se passait à Londres. C'est là qu’étaient mes idoles, les Sham 69, les Pistols et j'avais envie d'être au cœur de l'action.

Tu as été déçu en arrivant ?


Non. Ce que j’aimais ici c'est que c'était vrai. C’est comme un môme qui kiffe le hip hop et se retrouve à New-York, même si aujourd'hui tous les mecs se ressemblent beaucoup. Mais à l'époque, les keupons de Paris, t’en avait quatre et c’était vraiment de la mauvaise copie par rapport à Londres.

Qu’est-ce que tu faisais là-bas ?


(Il se marre) rien j’étais un vaurien. Je partageais un squatt avec des potes. Le matin, on volait le lait et le pain devant les portes des maisons. C'est minable... Mais il y avait beaucoup de groupes et une putain d'ambiance. Je me suis fait des milliards de concerts. J’avais même monté un groupe, Samu 92, dans lequel je jouais de la basse, pour faire comme Sid Vicious. À l'époque, je ne savais pas ce que je voulais devenir.

C'est ici que tu as découvert le reggae ?


Ouais, mais plus tard. Entre-temps j'ai fait plusieurs aller-retour Paris Londres. Ce sont des "mods" d'ici qui m'ont fait découvrir le reggae. Il y a avez un noir d'origine jamaïcaine et un anglais. Ils ont dû me trouver sympa alors que franchement je ne devais pas l'être beaucoup... Je connaissais Bob Marley comme tout le monde, et ils m'ont fait écouter Prince Buster, Desmond Decker et aussi des disques de Tamla Motown. Ensuite que j'ai volé une pyramide de disques de reggae chez des pauvres disquaires londoniens. J'ai continué à en voler en France dans un grand magasin de disques. Tu t’es fait repérer et t’as pris le large... En fait la dernière fois que je suis rentré à Paris, vers 1982-83 c'était vraiment la sale époque. Beaucoup de mauvais plans, de prison. Je suis parti aux Antilles et c'est là que j'ai rencontré des vrais rastamen, en Dominique. À l'époque, je bossais comme équipier sur un voilier. Je suis allé au "yard" comme ils disent (NDLR : la Jamaïque) qu’en 1997, grâce à Clive Hunt que j'ai rencontré dans un studio à Vitry. Je lui ai parlé de mon héros, Leroy "Horsemouth " Wallace, qui est devenu mon batteur et j'ai fini par arriver là-bas. Le jour même, j'ai chanté à Tuff Gong Studio. C'était un peu la même chose que quand je suis arrivé à Londres 15 ans plus tôt :l'impression d'être au cœur de l'histoire.

Avec le flip en plus, non ?


Le fait de jouer avec des légendes et c'est plus une question d'honneur que de flip. Là-bas, dans la rue, ce ne sont pas des insultes et des pierres : ils dégainent et te descendent. Parce qu'ils ont subi trop d'humiliation. En Jamaïque, les mecs sont des gros bad boys, ils t’interpellent du genre "hey p’tit Blanc, viens là". Et si tu commences à te chier dessus, c'est qu'il ne fallait pas que t’y ailles. Mais au final, ils te vannent et t’indiquent quand même la bonne route. Ils sont hypercivilisés et en même temps, capables de tout.

Maintenant que tu as des connexions là-bas, pourquoi n'as-tu pas fait un album de combinaison avec des jamaïcains ?


Je vais le faire. Vas-y Johnny, je me lance ! Je pars en Jamaïque pour enregistrer 2 albums. Un de Pierpoljak en français et un autre de combinaison en anglais et en patois jamaïcain. J'en ai déjà faits, mais là ça va être des big names : Bounty Killer, Beenie Man, c’est bad ! Ces combinaisons, c'est l'adaptation reggae du featuring rap ? Au contraire, le rap prend tout du reggae : les platines, le micro, les MC, le fait de parler sur la musique, les combinaisons, c’est le reggae music depuis toujours. Même la techno avec les basses forte et en avant, ça c'est le reggae music. C'est pour ça que c’est énorme. Cet album, c'est une façon de le rappeler quand on ne parle que de la scène hip hop en France ? J’aime le rap. J'ai fait des trucs avec La Brigade. Ils sont vraiment bad. Dans les Français, c'est surtout NTM qui me parle et Arsenik dans un autre genre. Mais cet album n'a rien à voir, c'est ma vision du reggae en France, je me suis dit: " t’as les moyens, ta maison de disques a du blé, donc c'est ton devoir de mettre ces mecs-là en avant." Justement, ça veut dire quoi ce titre "à dessins"? Au départ, c'est ce que j’écrivais en dédicace aux filles. Elles aiment bien quand il y a des cœurs, mais pas au keum, hein, il ne faudrait pas qu'on me prenne pour un "battyman" (homosexuel en patois jamaïcains) ! Enfin, là c'est surtout une manière de dire que si on met des efforts en commun, on peut aller très loin ...

Il y a beaucoup de styles différents sur ce double ?


Ouais, mais on regarde tous dans la même direction. Ces mecs-là viennent des sound systems. Rien à voir avec ceux qui mélange tout et qui sont surtout babadread avec la Kro et les ienchs … Les rastamen ne sont ni des clodos ni des hippies. Ce sont des guerriers. Le reggae c’est chanmé et c'est pour ça que je l'ai mis en couverture de l'album. Selon toi, quelle est la tendance actuelle du reggae ? En ce moment, c'est le dancehall, la musique électronique, c’est Bounty Killer ou Capleton. Au niveau esprit, il y a 4 ans c’était badman , les nichons et les guns …

Mais depuis, le coté rastafarian est revenu en avant. Et du coup, tu te laisses pousser les locks ?


Ouais , mais quand je vivais aux Antilles, j'ai déjà eu les cheveux vachement longs et pas peignés si tu vois ce que je veux dire… Si tu changes de tête, on te demandera peut-être plus d'autographe. Là, même à Londres ont t’arrête dans la rue.Ca te fais kiffer ? Non, parce que la plupart d'entre eux n'en ont rien à foutre. En fait, il faut qu'ils prennent un truc, qu'ils te prennent la tête et il n'y en a pas la moitié qui sont des fans. Souvent même on te demande si c'est vraiment toi ...

Au final, tu es mieux à Cannes pour les NRJ Awards, ici à Brixton, en Jamaïque ou dans ta campagne de la Nièvre ?


Je suis bien partout mais je finirai là-bas. Peut-être pas en Jamaïque mais aux Antilles ouais, sûrement sur une petite île. L. Laboutière & F. Plessier

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