PierPolJak revient avec un nouvel album et un nouveau groupe : Stim Turban. La pk machine est de nouveau opérationnelle et ça va faire très mal...
Aujourd'hui comme hier, Pierpoljak fait toujours ce qu'il veut. Plus on lui met des bâtons dans les roues, plus il se démène pour faire aboutir ses projets. Le résultat n'en est sans doute que meilleur. Après avoir refermé plusieurs "parenthèses" (Clive Hunt, Horsemouth), PK a enfin trouvé ses alter ego musicaux parfaits. Composé de quatre jeunes zicos hors pair ("Masta" Stone washington Strickland, basse; "Jubba" Deleon Jexon White, batterie; "Maka" Rohan Kirk Gordon, guitare; "Winta" Philipp Nathaniel,James, claviers et Sticky Thompson, percus), Stim Thrban est d'ores et déjà l'un des groupes les plus "rough & tough " de Kingston, capables de jouer les ambiances musicales les plus diverses. Avant d'en arriver au nouvel album proprement dit, il est une fois de plus nécessaire de tordre le cou à quelques rumeurs aussi fausses que fantaisistes. Rec and play.
Ragga-Magazine : Peux-tu nous en dire plus sur tes problèmes de santé, beaucoup de bruits ont couru là-dessus?
PierPolJak : Avec moi, les bruits sur moi sont souvent bruyants (rires). Ce qui s'est passé c'est que j'ai fait quatre pneumothorax (épanchement spontané de gaz dans la cavité pleurale, dixit le Larousse, ndr) dans l'année 2001. A cette periode, j'ai fait de nombreuses dates et concerts, l'usure et la fatigue m'ont déclenché un premier pneumothorax du côté gauche du poumon; j'avais un tel mal de chien que je me suis retrouvé aux urgences. A l'hôpital, ils m'ont mis des tuyaux un peu partout. Après ce séjour, je suis parti en Nouvelle-Calédonie pour un festival avec les Neg' Marrons, Janik etc. En revenant dans l'avion, j'ai de nouveau fait un pneumothorax. Les docteurs m'ont conseillé de tenter une opération sinon je pouvais y rester. J'ai été faire une première opération. Ça a mis pas mal de temps à guérir. Ensuite, j'ai encore été faire le con à droite et à gauche et un pneumothorax s'est de nouveau déclenché, cette fois-ci du côté droit. Au final, j'ai effectué quatre séjours à l'hôpital et subi deux opérations. Cette même année, ma femme a également eu un grave accident de voiture. Elle. s'est retrouvée dans le coma à l'hôpital. C'est d'ailleurs ce qui m'a inspiré le titre En Cas d'Accident. Bref, 2001 n'a pas été une bonne année pour nous... Après, je n'avais plus envie de faire Pierpoljak, alors j'ai tout simplement décidé d'arrêter (rires). Comme j'avais de l'argent, j'ai acheté un voilier et je suis parti jusqu'aux Antilles. Au départ, on est partis à cinq et l'on s'est rapidement retrouvés à trois. On est partis au mois de janvier, ce qui n'était pas la bonne période du tout pour prendre la mer. On a ramassé bien comme il faut: au niveau du Portugal, on s'est pris un bon coup de vent force 9. Ensuite, on a été aux Canaries, au Cap Vert et jusqu'à la Martinique. J'ajoute aussi à tous ceux qui pensent que j'ai payé un mec avec une casquette blanche pour naviguer que ce n'est pas vrai. C'était moi le capitaine du bateau. En plus d'être chanteur, je suis aussi un marin. C'est déjà mon quatrième bateau. . .
R-M : D'où vient ton surnom du général indigo?
PK : C'est le seul surnom qu'on m'ait jamais donné en Jamaïque. Il y a pas mal de temps, je me suis engueulé avec un vigile sur un parking. Je me suis embrouillé avec lui parce que je fumais et qu'il voulait que je lui lâche de la thune. Il m'a bien énervé. Quand l'engueulade est retombée un peu, il m'a demandé mon nom. Comme il n'a pas compris, il m'a dit que je m'appelais General Indigo. General parce que j'ai crié sur lui et Indigo pour la couleur de mes yeux bleus.
R-M : Pourquoi t'es-tu séparé de Leroy "Horsemouth" Wallace? Que s'est-il passé pour que vous ne bossiez pas ensemble sur ce disque?
PK : Personne ne le savait mais, je l'avoue aujourd'hui: Horsemouth est mon père (rires). Et je m'embrouille toujours avec mes pères. Nous avons tous les deux mauvais caractère, on est aussi un peu deux malades mentaux. On s'aime beaucoup également. Au bout d'un moment, ce n'était plus possible de travailler ensemble pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la musique, des histoires jamaïquaines. . . On s'est bien pris la tête tous les deux. Après, j'ai fait mes affaires. C'est aussi une histoire de vibes, d'âge et de caractère. De tous les mecs qu'il a backé, je suis le chanteur qui est resté le plus longtemps avec lui. Il a autant fait pour moi que j'ai fait pour lui. Aujourd'hui, même si on ne joue plus ensemble nous sommes à nouveaux des frères... Jubba, mon nouveau batteur, était déjà dans l'équipe depuis un moment. Je suis toujours impressionné par les bons musiciens. Lorsque j'ai rencontré Jubba, j'ai tout de suite vu et perçu qu'il y aurait une ouverture musicale avec lui et le Stim Turban. De toute façon, je n'avais pas envie de faire cinq albums 100% "one drop" aux studios Tuff Gong.
R-M : Qu'est devenu ton album en anglais qui n'est jamais sorti?
PK : Je me suis pris la tête avec Clive Hunt, la personne qui a produit ce disque. Ce sont encore des histoires jamaïquaines. . . Chacun dans leur branche, Clive et Horsemouth sont deux sacrés phénomènes. Là-bas, en Jama:ique, tout le monde me saoule la tête pour que je sorte ce disque. Il y a des copies qui tournent à Kingston. Je ne sais pas ce qui arrivera avec cet album. Dernièrement, j'ai également enregistré deux 45t en anglais là-bas, dont un pour le label Kariang.
R-M : J'ai l'impression que tu avais envie que ton précédent album cartonne moins que KingstonKarma, est-ce que je me trompe?
PK : Non, tu ne te plantes pas. Chaque disque est une aventure différente. Cet album est encore un autre truc: je l'ai produit et réalisé seul de A à Z avec mon groupe Stim Turban. Actuellement, je ne me prends plus la tête pour savoir quel titre rentrera ou pas en radio. Je sais que c'est un bon album et j'en suis fier. On a fait ce disque ensemble tous les cinq et on l'aime.
R-M : Pourquoi avoir posé deux lyrics, Si tu prétends et Dem Ya Kind sur la série de 45T du Label Bakchich?
PK : J'étais en train de glander avec Taïro et je me suis pointé avec lui au studio où ce label enregistrait plusieurs titres sur le riddim 'Battery'. J'ai eu envie de pcser deux textes à la vibes, sans demander aucune thune.
R-M : Tu as coupé tes Dreadlocks?
PK : Je n'ai plus de locks et je suis super bien comme ça.
R-M : Quel est ton rapport avec Rasta?
PK : Il est vachement plus clair qu'avant, au moment où j'avais des dreadlocks sur la tête. Aujourd'hui, je suis honnête avec moi-même. Je ne veux pas faire croire aux gens que je suis rasta alors que je ne le suis pas. De toute façon, j'aime toujours et je respecte les rastas, il yen a beaucoup dans ma vie. Pour être rasta, il faut réunir quelques conditions que je n'ai pas.
R-M : Et les Yardies quand ils t'ont vu comme ça?
PK : Au départ, les mecs m'ont pris la tête. Après on a discuté ensemble tranquillement en patois yardie. Je leur ai expliqué que j'étais blanc et que je n'ai aucune origine africaine. Je ne crois pas que Haïlé Sélassié soit Dieu. En plus, je ne lis pas la bible. Je leur ai simplement dit la vérité. À la fin, ils m'ont dit "we love you brother Jacques".
R-M : D'où vient le nom de ton groupe Stim Turban?
PK : Macka le guitariste du groupe est quelqu'un qui utilise beaucoup d'adjectifs pour désigner quelque chose. Au moment de l'enregistrement de l'album nous étions en studio, on écoutait un de nos riddims ; pour le décrire il a dit que cette rythmique ressemblait à une "steam turbine", une turbine à vapeur, sauf que sa langue a fourché et qu'il a dit "steam turban", c'est-àdire des turbans bouillis ou à vapeur. J'ai carrément halluciné sur cette expression. On s'est naturellement appelés Stim Turban, comme si on avait des turbans qui avaient été obligés d'exploser sous la pression de la vapeur. Rien à voir avec les Bobo Dreads donc. Actuellement, grâce à ce groupe, je suis en train de revivre. J'ai toujours voulu être dans un tel groupe. On fait de la bonne musique jouée à notre manière, avec pleins d'influences diverses.
R-M : Comment s'est passée la naissance de cet album?
PK : Au moment oùj'ai voulu refaire de la musique, je suis allé voir ma maison de disques Barclay pour leur demander de me financer un voyage en Jamaïque, afin que je puisse sentir les vibes et réaliser des maquettes. Lorsque je suis revenu avec une dizaine de chansons, l'accueil de ma maison de disques a été assez mitigé. Comme ils voulaient entendre d'autres titres, je suis reparti en Jamaïque pour enregistrer d'autres morceaux. Dès mon retour, je leur ai fait écouter ces titres. Ici, tout le monde a été très déçu par mes maquettes. Le taulier m'a même dit que je ne savais plus chanter et que mes musiciens jouaient mal. Il ne faut pas que les gens pensent qu'être Pierpoljak soit facile à vivre tout le temps. À partir de là, je me suis énervé et je suis parti un peu fâché. Le lendemain, je suis revenu et j'ai réussi à convaincre le boss de me donner le budget pour enregistrer ce disque. Je suis retourné en JamaIque directement à Tuff Gong, le studio où j'ai l'habitude de travailler avec Shane Brown et mon groupe. Au final, sur ce disque, on retrouve tous les titres de mes maquettes. Si j'aime mes morceaux je ne vais pas les jeter et aller en chercher d'autres, tout ça pour leur faire plaisir. Ensuite, cela a été très dur de gérer le business en Jamaïque. Tout se paye en cash et c'est une prise de tête pas possible. J'ai quand même été chercher quelques nouveaux artistes pour mes featurings comme Black Man, K-Queens, Poncho, le terrible intro man Joe Lickshot sans oublier mon fils de seize ans, Bog. Il n'y a pas de gros noms, alors que j'aurais pu facilement le faire. D'une manière plus générale, je suis assez fou comme ça: je n'ai pas besoin d'avoir que des dingues autour de moi. J'aime bien les gens calmes.
R-M : Ca n'a pas été trop dure de produire ce disque tout seul?
PK : Je manque peut-être parfois d'organisation. Par exemple, dans le rush, j'ai carrément oublié de chanter deux couplets dans une chanson. Au début, je n'avais pas l'intention de le faire tout seul. Au moment où j'ai fait ma première série de maquettes, je voulais que ce soit Wycleff qui produise le disque. Mais je n'ai jamais réussi à le contacter. J'ai donc décidé de tout faire tout seul jusqu'au bout, au moins pour cet album. Même pour la pochette du disque.
R-M : La personne dont tu parles dans Miss Pillow est-elle une rencontre récente?
PK : Tout ce que je dis dans ce texte est exact. C'est un vrai truc qui m'est arrivé avec une danseuse de go-go qui travaille au club Gemini. Une espèce de fulgurante histoire d'amour sans argent, ce que je raconte dans ce morceau. Une vibes énorme. De toute façon, toutes mes chansons sont authentiques.
R-M : Cela ne doit pas être évident d'être danseuse de Go-Go...
PK : Pas du tout. Ce sont des danseuses prostituées. . . Depuis mon premier séjour, je suis fasciné par les go-go clubs et les filles qui y travaillent, par le "blues" qui s'en dégage et par la misère du truc. Ce n'est pas le fait de les voir danser, souvent elles savent juste se remuer comme n'importe quelle femme jamaïquaine. Miss Pillow était vraiment la plus décadente, il fallait que ça tombe sur moi. . . Ca a été une histoire de ouf.
R-M : Ce n'est pas trop dur de toujours mettre ses tripes dans ses Lyrics?
PK : C'est tout ce que je sais faire. Franchement, si c'est pour dire des litanies auxquelles je ne crois pas, ce n'est pas la peine, je m'arrêterais tout de suite. En fait, j'ai toujours raconté ma vie et comme je suis un gros bavard, lorsque je m'arrête de parler, je continue en écrivant des textes (rires).
R-M : Quelle est ta vision de la Jamaïque?
PK : C'est presque mon pays. Je m'y sens accepté. Petit à petit, j'ai réussi à apprendre le patois yardie et à bien parler la langue, ce qui m'a littéralement ouvert les portes de la Jamaïque. Au départ, j'ai connu la Jamaïque à travers la musique. C'est le film Rockers qui m'a donné la première vision de la Jamaïque. J'ai toujours ces images dans la tête, ce qui fait que la première fois où je suis allé là-bas, je ne me suis pas senti trop dépaysé (sourires). Contrairement à pas mal d'autres personnes, je n'ai jamais eu d'illusions sur ce pays. En fait, c'est un pays superbe qui se développe à vitesse grand V.
R-M : Quelles sont les choses que tu n'aimes pas en Jamaïque?
PK : Deux trucs principaux : leur rapport pennanent à l'argent et la mendicité "relou" à tout prix. Tu ne peux pas arriver en Jamaïque et résoudre ces problèmes par magie. La connaissance de la langue te permet d'être encore plus ferme par rapport à ça.
R-M : Comment perçois-tu l'évolution de la musique Jamaïquaine?
PK : Un changement est en route qui prendra plusieurs années. Actuellement, il y a plein de jeunes qui se mettent à jouer de la musique comme ceux de mon groupe. Les musiciens reviennent au top en Jamaïque et c'est une très bonne chose.
R-M : Quel est le délire de J'embrasse mes dents?
PK : C'est un truc l00% africain et antillais. Aux Antilles, on appelle ça "le tchip" : lorsque tu es dégoûté d'une chose tu embrasses tes dents. En Jamaïque, on dit "kiss my teeth".
R-M : Quels sont tes différents projets?
PK : Je vais sans doute produire les K-Queens, deux soeurs jumelles de dix-sept ans qui viennent de Portmore. Elles sont très fortes: elles sont aussi bien capables de toaster comme de chanter, de rapper ou de danser. Je les ai vues il y a deux ans et elles m'avaient déjà grave impressionné. J'ai réussi à les contacter pour qu'elles participent au titre Allez Les Filles. Leur père qui est aussi leur manager m'a demandé de m'occuper de leur carrière. J'étais vachement heureux qu'il me fasse cette proposition. Je vais leur faire faire un album international. Ce sera un bon challenge pour moi. De mon côté, je vais essayer de réunir tous les titres qui ne sont jamais sortis comme mon duo avec U-Roy, mes titres en anglais plus des vieux morceaux sur une "juggling" tape en CD.
R-M : Pour finir, une question un peu perso, tu as toujours ta super Mercedes coupé?
PK : On m'a retiré
mon pennis de conduire, je prends donc le RER et le métro. C'est un
peu l'angoisse mais c'est la vie. Le problème est que je n'arrive tot\iours
pas à acheter un ticket: encore escalader les barrières à
mon âge (rires). .